Transcription d’un texte dactylographié écrit par J.-B. Ollivier, capitaine de la marine marchande, don de M. Leforestier au fond documentaire Roger Courland en août 2022.
Dans ce texte, M. Ollivier raconte sa carrière et ses embarquements successifs ainsi que ses déboires en mer. A travers son récit, c’est aussi l’histoire de dizaines de voiliers qui s’écrit.
Récit de navigation de « L’ANTOINETTE »
Je m’engageai dans la Marine de l’État en janvier 1904, comme ouvrier mécanicien et fin 1905, je fus réformé n°2 à la suite de rhumatismes. Comme le Docteur me conseillait le grand air, je me décidai à prendre les cours à Saint-Malo après quelques leçons chez Monsieur RENAUD à Saint-Lunaire. Étant en possession de mon certificat d’Élève, j’embarquai comme cambusier sur le trois-mâts « ROCHAMBEAU », Capitaine A. JEAN. Avec ce trois-mâts, je fis trois fois le tour du monde : 1e voyage : LEITH-HONOLULU-PORTLAND-HAMBOURG ; 2e voyage : HAMBOURG-NOUVELLE CALÉDONIE-LE HAVRE ; 3e voyage LE HAVRE-LA RÉUNION-NOUVELLE CALÉDONIE-GLASGOW où, à l’arrivée, le « béri-béri »[1] régnait à bord et nous dûmes immerger le charpentier.
Je m’engageais alors dans la compagnie BORDES, sur le « DUNKERQUE » en 1911 et restai jusqu’au désarmement complet en décembre 1920.
Je fis successivement les voyages du Chili sur les navires « DUNKERQUE », « COQUIMBO », et « ALMENDRAL » (où j’eus la douleur de perdre notre capitaine, après le passage de Cap-Horn à l’aller,) « HÉLÉNE », tous ces navires en qualité de Lieutenant.
En 1915, j’embarquai comme second sur « L’ANTOINETTE »; en septembre 1917, à BORDEAUX, nous fûmes armés de canons de 75 m/m et mouillâmes sur la rade de VERDON, où nous étions 25 navires à voiles à attendre le départ.
Enfin, le 1e octobre 1917, nous appareillâmes avec 2 chalutiers pour escorte. Le 2 octobre, les Capitaines du « NORD » et de « L’ANTOINETTE », décidèrent de quitter le convoi et de naviguer de conserve, jusqu’au travers de RIO. Tous se passa bien jusqu’au 4 octobre où nous fûmes attaqués par un sous-marin vers 14 heures.
Après échanges de coups de canon de part et d’autre, le calme revint. Nous l’avions sans doute atteint, et par la suite, nous apprîmes que nous avions eu un témoignage ainsi conçu : « Attitude énergique et disciplinée dans l’attaque d’un sous-marin allemand le 4 octobre 1917 ».
Le reste de la traversée, se passa sans incident.
En arrivant au Chili, il fut décidé que nous irions à NORFOLK par le canal de Panama. De retour au Chili, nous apprîmes l’armistice. Quelle joie, mais aussi quelle tristesse ! Le soir, en lançant des fusées, le feu prit sur un navire américain chargé de salpêtre. Ce fut un remue-ménage parmi les navires, et la fête fut terminée. Étant chargés, nous partîmes pour WILMINGTON. Le 21 décembre 1918 vers 4 heures 20, le navire drossé par le courant, se jeta sur le banc de corail de QUITA SUENO, et nous dûmes l’abandonner avec nos embarcations[2].
Malheureusement la baleinière chavira, et le mousse fut noyé ; nous fûmes recueillis le 22 par un vapeur Norvégien qui nous débarqua à SAVANNAH. En arrivant à NEW-YORK, je pris le commandement du « CAP HORN » qui se rendait au Chili et de là en France, où j’arrivai en décembre 1919, après une absence de 29 mois.
En mars 1920, je pris le commandement du « GÉNÉRAL NEUMAGER ». Au retour du Cap Horn, la vergue de misaine[3] cassa à un mètre du contre ; je pus remettre le bout de vergue en enfilant une drôme[4] et j’arrivais à Nantes en décembre 1926. Le navire fut désarmé à Saint-Nazaire : ce fur la fin des BORDES. J’ai donc passé le Cap Horn, 10 fois à l’aller et 13 fois au retour.
Après un long chômage, j’embarquai comme capitaine sur les voiliers à Monsieur POTET, faisant les voyages de bois : LE HAVRE-LES ANTILLES-SAINT LAURENT. Je commandais successivement « MOLÈNE », « BONNEVEINE », « BOSSUET » qui se perdit le 8 Novembre 1929, par temps bouché au Sud de BOULOGNE. J’eus la chance de sauver mon équipage, mais le navire fut complétement perdu.
Je pris le commandement du « GÉNÉRAL DES SONS », mais à mon arrivée au HAVRE, j’apprenais que la maison POTET avait fait faillite. Je conduisis la « JEANNE D’ARC » à « ARCACHON », où il sert de ponton à charbon (le 22 juin 1932).
Pour terminer ma navigation, je dus faire quelques voyages sur des vapeurs, mais cette navigation ne me plaisant pas, je demandai ma retraite.
Je me retirai à LA RICHARDAIS, pour dresser mes filles, ce qui était plus dur que la navigation au CAP HORN.
OLLIVIER J.B. – né le 6 avril 1885 à LA RICHARDAIS.